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Séminaire secondaire 21 - Réthorique

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Message  Thomas d'Azayes Ven 7 Jan - 14:15

Hardouin a écrit:La rhétorique


1) Introduction :

Vous êtes parvenu à la dernière partie du séminaire supérieur romain. Vous avez amassé des connaissances innombrables, lu et relu pléthore d’études théologales, commenté le Saint Livre et d’autres sacrées lectures. Peut-être vous targuez-vous d’être érudit ?

Quoi qu’il en soit, si vous avez exploré le monde livresque, celui de la catène et de l’herméneutique. Qu’en est-il de votre capacité à agir, à discourir, à débattre, à enseigner ?

Quittons le domaine de l’écriture pour celui de l’action et du verbe. Nous associons ici action et verbe parce que c’est l’objet de notre cours. D’ailleurs sachez qu’en très vieux français, une action est un discours public tel qu’une harangue.

Faire de vous des tribuns de votre croyance aristotélicienne est notre but. Pour que votre charisme puisse attirer les foules et qu’il les convertisse, qu’il les pousse à agir en accord avec nos vertus.

On parle de fonction conative du langage, de message performatif, mais ce qu’il vous faut retenir, c’est surtout que Dieu nous a doté du logos, c’est-à-dire de la parole et de la raison, et qu’il est de notre devoir de nous en servir pour montrer le sublime de notre foi.
Vous qui avez côtoyé les mystères et les délices de la révélation, faites les partager à la multitude ou guider-la vers les horizons du Salut.

Le discours n’est pas l’apanage des aristotéliciens, la Créature-Sans-Nom exerce son empire sur les faibles esprits, distille et susurre son venin à qui veut bien l’entendre, il nous faut pouvoir la contrer. Le peuple est facilement impressionnable et crédule, il est de notre devoir de l’instruire, c’est le travail long et fastidieux, mais essentiel de votre sacerdoce.
Toutefois, en certains cas, le temps manque pour l’enseignement, il vous faut alors briller pour rassembler vos fidèles et leur éviter d’écouter le chant malicieux de l’hérésie, la rhétorique peut alors s’appuyer sur l’apparence et la fascination ; c’est parfois le prix à payer pour persuader.

Comment devenir orateur ? Isocrate évoque trois conditions : des aptitudes naturelles, une pratique constante, un enseignement systématique pour savoir in fine, selon les mots de Saint Augustin, instruire, charmer et convaincre ou ceux de Cicéron (le latin, ça fait plus savant, non ?), docere (instruire), delectare (plaire) et movere (émouvoir).

Nous n’irons pas jusqu’à vous faire imiter Démosthène en vous faisant parler avec des petits galets dans la bouche pour améliorer notre diction, mais nous prêterons une attention constante à votre élocution.



2) L'homélie :

La rhétorique vous sera régulièrement utile, tout particulièrement lors de vos sermons ou prônes dominicaux ou de vos prêches quotidiens.

Pour voir de quoi vous êtes capable, avant toute leçon préalable, nous vous demandons d’écrire une homélie sans aucune contrainte littéraire de notre part sur le passage suivant du Saint Livre :


« Mais n’aie crainte, car si vous vous montrez vertueux, vous pourrez éviter ces inutiles souffrances.

Je levai les yeux de la flaque d’eau où toutes ces images horribles venaient de s’offrir à mes yeux. Je tremblais de toute mon âme, les cris de souffrance des pauvres victimes de ces quatre calamités résonnant encore dans mon coeur. Je pleurais de chaudes larmes, tant était horrible le sort de ces pauvres malheureux.

Alors, Dieu, d’une voix douce et apaisante, me dit: “Vois, comment risque de finir le monde que tu aimes tant. Il sera détruit par l’eau, la terre, le vent et le feu. Mais n’aie crainte, car si vous vous montrez vertueux, vous pourrez éviter ces inutiles souffrances. Et que ceux qui vivent dans la vertu ne s’inquiètent pas, car jamais Je n’oublie ceux qui M’aiment.”, me dit le Très Haut. Je vis en effet les nuages s’en aller, les vents se calmer, les flammes mourir. Mais la terre trembla de plus belle.

Et les hommes et les femmes qui avaient vécu les atrocités que j’avais pu voir dans la flaque sortirent du monde en volant. Ils étaient innombrables, debout les uns près des autres, tels une mer d’humains. Malgré le temps indéfinissable qu’ils avaient attendu sous terre, ils avaient l’air de retrouver une nouvelle jeunesse. Ils s’envolèrent en un magnifique nuage d’êtres venant rejoindre leur Créateur.

Derrière eux, je vis le monde, gigantesque boule de matière. Tous les humains l’avaient quitté. Sa surface se mit à se craqueler, des flammes titanesques surgissant des crevasses ainsi formées. Puis, le monde tout entier s’embrasa. Il illuminait les autres astres d’une puissante lumière rouge. Enfin, dans une incommensurable explosion, il acheva la mission que Dieu lui avait confiée.

Les humains s’installèrent le long des étoiles, sur ce que l’on appelle la voie lactée. Ils s’organisèrent alors en une file qui semblait interminable. Certains avaient l’air heureux d’attendre le Jugement Divin, d’autres versaient de chaudes larmes, regrettant de n’avoir pas su écouter les paroles divines transmises par le prophète Aristote et Christos, le messie. Les anges attendaient patiemment les humains sur le soleil. Et sur la lune, les démons crachaient leur haine à la face des futurs jugés.

Et Dieu me parla: “Vois. Ces hommes et ces femmes qui sont maintenant unis dans l’attente du jugement de leur âme. Je vous ai faits aspirant à la vertu et J’ai fait celle-ci de telle manière que si l’un d’entre vous la pratiquait, elle se communiquerait aux autres.” Je reconnaissais là l’enseignement d’Aristote et les paroles de Christos! “Il y avait un but à cela, ajouta-t-il, Me servir, M’honorer et M’aimer, mais aussi vous aimer les uns les autres. Je suis la main invisible qui guide vos pas, mais nombre d’entre vous se sont détournés de Ma Parole.”

“Vous êtes jugés un à un lorsque vous mourrez, mais cela ne sera pas toujours le cas. En effet, j’ai laissé la créature à laquelle Je n’ai pas donné de nom prouver ses dires, selon lesquels c’est au fort de dominer le faible. Si, encore une fois, vous vous détournez de Moi en trop grand nombre, ce que tu as vu dans la flaque s’accomplira. Si vous oubliez à nouveau l’amour que J’ai pour vous et que vous ne m’aimiez plus à nouveau, cela sera vérité. Si Ma parole, révélée par Aristote et Christos n’est plus écoutée, Je détruirai le monde et la vie, car l’amour n’en sera plus le sens. Alors, prends garde à ne pas laisser Ma parole se perdre dans les gouffres de l’oubli.”

Voilà pourquoi je vous révèle cela. La vertu doit guider chacun de nos pas. Chacun doit la transmettre à son prochain. Telle est la Parole de Dieu. Ne vous échappez pas de la sage voie de sa main, ou viendra le jour où le monde disparaîtra et où nous seront tous jugés! »

(in Le Jugement Divin , « La fin des temps »)


3) Rhétorique et Saintes Ecritures :

Examinons maintenant quelques passages du Livre des Vertus qui sont peu ou prou reliés à la rhétorique.

Elle répondit: “Tu as fait les créatures animées par le besoin de se nourrir. Tu as fait les forts capables de dévorer les faibles. Sans conteste, il s’agit donc d’assurer la domination du fort sur le faible !”.

Elle ajouta: “J’en veux pour preuve que je suis le dernier représentant de mon espèce. Seul le plus fort a survécu parmi les miens ! Si Tu me nommes “Ton enfant”, je saurai Te montrer qui, de toutes créatures, doit dominer le monde.”

(in La question, « Création VI »)

Décortiquez les paroles de la Créature-Sans-Nom pour mieux contrer un à un ses arguments.


Chapitre quatrième: dialogue sur l'âme. Deuxième partie.

Epimanos: Tu pries pour le Roi Aristote?

Aristote: Prier? Qui devrais-je prier? Et que dois-je demander?

Epimanos: Que veut tu demander? Qu'il vive bien sur! Et si tu ne crois pas en cette déesse tu crois bien en une force supérieure qui régie notre vie?

Aristote: Qu'il vive? Il va mourir, tu le sais aussi bien que moi. Nos prières ne peuvent pas lui rendre la jeunesse ni la santé. Il a vécu longtemps, et il est temps pour lui de partir. Non, si je prierai, ce n'est pas pour qu'il vive.

Epimanos: Pour quoi donc alors?

Aristote: Qu'y a t'il après la vie Epimanos? Cette âme unique que l'homme possède et qui nous différencie des animaux, survie t'elle à cette vie?

Epimanos: Je ne sais Aristote. Ma science porte sur la vie et non sur la mort. Je peux te dire comment bien vivre, comment être heureux et connaître les êtres au quotidien, mais pas ce qu'il y a après la mort.

Aristote: Tu peux me dire comment bien vivre? Voyons cela. N'est tu pas d'accord que pour faire un acte intelligent il faut en prévoir les conséquences?

Epimanos: Si bien sur, cela évite de faire des erreurs, de mal agir ou de mal juger des situations. C'est important de prévoir.

Aristote: Oui, c'est ce que tu m'as appris depuis mon plus jeune âge. Mais si tu le veux bien prenons un exemple: imaginons que tu veuilles te marier. Tu es d'accord que c'est un engagement définitif, et qu'il te faudra choisir avec soin?

Epimanos: Certes! Nos lois ne prévoient pas le divorce, et je crois bien que celui qui veut se marier règlera tous ses actes pour que ce mariage soit heureux, sinon ce serait une véritable folie!

Aristote: Tu penses tout comme moi que ce mariage se prépare avant même que l'on prenne l'engagement solennel: on cherche à corriger ses défauts, a se rendre aimable et bon, afin qu'au jour du mariage tout ce passe pour le mieux.

Epimanos: Si tous suivaient ces conseils il y aurait plus de mariages heureux, mais je pense en tout cas que c'est ce qu'il faudrait faire.

Aristote: Je suis content que nous soyons d'accord. Donc pour bien vivre il faut savoir ce qu'il y a après la mort.

Epimanos: Ah!? Là je ne te suis plus. Que veux tu dire?

Aristote: C'est bien simple: tout comme le mariage la mort est un évènement définitif. Il faut s'y préparer donc soigneusement. Si il y a une vie après la mort, alors la vie que nous menons avant la mort doit être consacré à préparer cette vie après la mort. Tout comme notre vie avant le mariage doit être consacrée à préparer notre vie après le mariage.

Epimanos: Je vois où tu veux en venir. Pour toi la mort n'est qu'un passage qui mène à une autre vie?

Aristote: Oui, et notre vie présente doit se consacrer à préparer cette vie future.

Epimanos: Mais pourquoi cette vie future serait elle plus importante que la présente? Et comment peut-tu être sur de son existence?

Aristote: Tu te souviens de notre discussion sur la différence entre les animaux et les hommes?

Epimanos: Oui, je m'en souviens très bien. Tu disais qu'il y avait une différence entre les deux, que l'homme était intelligent quand la bête ne cherchait rien de nouveau.

Aristote: Oui. Mais comment l'homme fait il pour chercher du nouveau, pour créer même en lui et autour de lui ce nouveau?

Epimanos: Et bien si je pars de ma propre expérience, je dirais que j'ai des idées qui me viennent, et qui ne semblent venir de personne d'autre que de moi même, et que je réfléchis sur ces idées.

Aristote: J'en suis arrivé à la même conclusion. Ce qui m'a frappé c'est que cela ne venait pas de ce qui m'entoure, mais de moi même, de mon intérieur. Cela semblait...

Epimanos: Immatériel non?

Aristote: Oui, immatériel. Ce n'était pas la conséquence d'une impression sensible mais d'une impression immatérielle, spirituelle.

Epimanos: Je comprends. Mais quelles conclusions en tirer? Il est évident que ces impressions viennent de notre âme.

Aristote: Oui, mais cela veut dire que notre âme est immatérielle, car l'immatériel ne peux pas venir du matériel. Personne ne peut donner ce qu'il n'a pas. N'est tu pas d'accord?

Epimanos: Oui, dit comme cela c'est compréhensible. Mais où veux tu en venir?

Aristote: Mon père est médecin Epimanos, et il m'a souvent décrit la mort: la matière se putréfie, se désintègre sous l'effet du temps. Et regarde autour de toi: la mort est toujours marquée par la destruction de la matière.

Epimanos: Oui, tout passe en ce monde, et ce que les anciens on construit est déja presque disparu.

Aristote: Mais si tu prends quelque chose qui n'est pas composé de matière, cela disparaîtra t'il?

Epimanos: Il ne me semble pas: si ce n'est pas composé de matière alors cela ne peut pas se désintégrer. Cela ne mourra pas. Ainsi la pensée d'un homme comme Pythagore sera éternelle et vivra encore dans plus de mille ans.

Aristote: Donc tu penses que ce qui est immatériel ne meurt pas?

Epimanos: Avec tout ce que nous avons dit jusqu'ici, je crois que c'est une chose établie.

Aristote: Alors notre âme, qui est immatérielle, doit elle aussi, ne pas mourir. Quand nous mourons notre corps disparaît, mais notre âme, elle demeure. Et c'est cette vie de l'âme qui est la vie future. C'est cette vie que notre vie présente, dans notre corps, doit préparer.

Epimanos: Le roi qui meurt va donc vivre encore?

Aristote: Oui, et c'est pour que cette vie de son âme soit heureuse que je vais prier ce soir.

Epimanos: Nous prierons ensemble alors.

Et sur ces mots les deux amis se séparèrent, Epimanos rentra dans le temple de Proserpine, pendant qu'Aristote se dirigea vers la sortie de la ville pour marcher dans la campagne.

A l’instar d’Aristote usant de la dialectique pour atteindre la vérité, crée une saynète avec deux hommes qui parlent simplement et brièvement pour expliquer à la fin de leur discussion pourquoi les miracles sont si rares.


Enfin, pour terminer cette section sur les extraits du Livre des Vertus ? Pensez-vous qu’un orateur puisse aussi être un soldat le cas échéant ?
La réponse se trouve dans une des hagiographies du Saint Livre, mais si vous ne la trouvez pas, donnez-nous tout simplement votre sentiment en quelques mots sur la question.



4) Historique et premiers pas en rhétorique :

On dit que la rhétorique est née en Sicile à l’époque où Rome n’était encore qu’une simple bourgade et Athènes à son zénith.
La rhétorique est avant tout l'art de l'éloquence ou plus simplement dit l’art de bien parler. Elle a essentiellement trait à l’oralité et au discours.
Un des premiers rhéteurs est le célèbre Protagoras. On dit de lui qu’il réussit à soutenir la thèse des bienfaits de la tyrannie à l’heure du dîner et ceux de la démocratie à l’heure du souper.
Mais le plus connu des rhéteurs est sans aucun doute Gorgias qui manie la langue avec maestria et enrichit ses discours de références littéraires et de figures de style.
L’inoubliable Socrate reste également un maître de cette discipline, bien qu’il la manie à sa façon. Il se sert de l’ironie pour débusquer le préjugé.

Il ne faut pas oublier Platon que vous connaissez déjà grâce à votre lecture approfondie du Livre des Vertus. Platon est le premier qui s’insurge contre l’illusion rhétorique et contre les orateurs qui dénaturent leur art en s’en servent pour de mauvaises fins, cherchant le pouvoir au lieu de la vérité. Ceux-là s’appellent eux-mêmes sophistes.
Platon oppose à cette rhétorique sophistique la rhétorique philosophique qui mène à la justice.

Contemporain de Platon, notre prophète Aristote étudie beaucoup la rhétorique, la reliant notamment à la poétique, mais aussi à la dialectique, qu’on peut clairement définir comme l’art du dialogue.
Contrairement à Platon, Aristote distingue non pas deux mais trois types de rhétorique :
- la rhétorique délibérative qui convient aux discours politiques. L’exhortation à l’action en est la clef (vise le bien) ;
- la rhétorique judiciaire qui correspond aux discours du même nom. Plaidoyer (défense) et réquisitoire (accusation) en sont les deux facettes. (vise le juste) ;
- la rhétorique épidictique dite aussi démonstrative qui s’applique à l’éloge ou au blâme d'une personne (passé et futur, a pour fin le beau, en terme actuel: la valeur) ;
A chaque discours ses caractéristiques, l’intention du discours délibératif s’exprime la plupart du temps au futur ; le judiciaire lui préfère le passé…


Vous allez successivement vous lancer dans les trois types discursifs.
Pour commencer, suivez l’exemple de Démosthène le belliciste et de son discours Sur la paix pour écrire un discours délibératif dont le sujet sera la nécessité de la « guerre » contre la peuplade de votre choix. OU vous tenterez d’intercéder auprès d’un conseil comtal pour lui faire signer un concordat très favorable à notre Eglise.
Puis, un autre discours épidictique qui devra être une oraison funèbre, comme celle de Démosthène pour les morts de Chéronée.
Enfin, suivez comme toujours cet indémodable Démosthène dans son discours Sur la couronne, écrivez un réquisitoire contre les Lions de Juda.

Supplément BONUS pour ceux qui parviennent à répondre :
En quoi la théorie de maïeutique peut-elle parfaitement concorder avec l’aristotélisme ?



5) La rhétorique en détail :

La rhétorique traditionnelle comporte cinq parties :
- l'inventio ou l’art de trouver les arguments pertinents pour votre argumentation ;
- la dispositio ou l’art de les organiser ;
- l'elocutio où l’art de les exprimer avec style ;
- l'actio ou l’art la gestuelle et de la prononciation ;
- la memoria ou l’art de retenir son discours.

L’invention concerne notamment la recherche de la thèse, des faits, des preuves et des arguments.

La disposition met en exergue certains points, tend à trouver une logique à l’argumentation et divise d’ordinaire le discours en quatre parties : l'exorde, la narration, la confirmation, la péroraison.

L’élocution permet d’orner le discours sans pour autant verser dans la grandiloquence. Subtil mélange entre clarté et esthétique.

L'action fait de l’orateur un comédien. Jouer son discours en modulant et rythmant sa voix et ses intonations, le ponctuer de gestes, de regards et de gestes expressifs.


« Il faut aussi accorder quelque chose à l'art du comédien, pourvu qu'on s'en tienne à ce que l'orateur doit savoir pour bien prononcer ; (...) Il ne faut pas même qu'il emprunte aux comédiens tous leurs gestes et tous leurs mouvements. Quoique ces deux parties de l'action doivent être, jusqu'à un certain point, réglées dans l'orateur, il ne laissera pas de se tenir à une grande distance du comédien, et d'éviter l'exagération dans le regard, dans le geste et dans la démarche; car si tout cela exige un certain art, il y en a encore un plus grand à savoir dissimuler l'art. (...) C'est encore au comédien à enseigner le ton qui convient à la narration, avec quelle autorité on persuade, avec quelle impétuosité éclate la colère, quel accent sied à la pitié. Pour bien faire, il choisira dans les comédies les passages qui ont le plus de rapport avec le ton des plaidoiries. Ces morceaux de choix, en même temps qu'ils sont très utiles à la prononciation, sont très propres à nourrir l'éloquence. »

(Quintilien, in L'institution oratoire)

La mémoire est essentielle, le discours ne s’improvise pas, il s’apprend par cœur, selon les règles classiques.
Ainsi le discours est divisé en quatre parties :

L’exorde expose distinctement la thèse à démontrer.

La narration traite des faits, sans encore tenter de verser dans la persuasion.

La confirmation concerne enfin la mise en avant des arguments. Elle suit par ailleurs ce qu’on appelle la réfutation par laquelle l’orateur répond par anticipation aux arguments adverses.

La péroraison est le moment où la faconde de l’orateur doit éblouir, moment paroxystique et ultime qui emporte la conviction du public. On la divise parfois en trois parties : l'amplification où l'on insiste sur la gravité du sujet, la passion pour susciter enthousiasme ou indignation et la récapitulation où l'on résume l'argumentation.

Lorsque vous vous attelez à la confirmation, il vous faut successivement convaincre en faisant appel à la raison et à l’esprit critique, et persuader, en faisant appel à l’émotion et aux sentiments. Usez alors du pathos à l’envi.

Mais n’oubliez surtout pas d’écrire avec style ! Pour ce faire, n’hésitez pas à employer toutes les figures de rhétorique nécessaires sans pour autant surcharger votre discours.

Vous ne savez pas si l’on doit dire un ou une hypallage ? Vous croyez que l’hypozeuxe est une nouvelle sorte de selle pour les étalons ? Le mot zeugma évoque-t-il pour vous un système de viaducs de l’ère antique ? Ma foi, ce n’est pas si grave. Nous n’allons pas vous faire apprendre par cœur le nom de toutes les figures de style, nous vous demandons simplement de bien manier la langue et d’en savoir quelques-unes.

Nous avons mélangé certains types d’argument et quelques figures de style, à vous de faire coïncider chaque énoncé à sa qualification.



Argument d’autorité : Rory ?! C’est un spinoziste, évidemment qu’il va tenter de vous escroquer !

Raisonnement causal : Monseigneur Ecaterina est une dévote un peu mystique, or les fervents aristotéliciens vont au paradis, donc Ecaterina n’a pas a sans faire, elle ira au Paradis.

Analogie : Soit vous croyez que tous les bretons ont une araignée au plafond et vous conduisez le cardinal Clodeweck à l’hospice, soit vous pensez qu’ils sont aussi sains d’esprit que vous et vous laissez ce dernier à ses éminents travaux.

Syllogisme : Monseigneur Muad-dib est un prêtre aristotélicien, il est donc certain, grâce à Dieu, qu’il ne puisse avoir de descendance.

Prise à témoin : Prouvez-moi que Son Eminence Pouyss a bien donné naissance à un bâtard. Vous n’avez aucune preuve.

Généralisation : Monseigneur Poltau est le plus talentueux, le plus généreux, le plus sympathique des hommes sur terre.

Question oratoire : Nous ne parlerons pas entre ces saints murs des innommables enfants cachés de Son Eminence Groar.

Prétérition : Ne vaut-il pas mieux se repentir sur cette terre que souffrir mille morts en Enfer ?

Insinuation : Franceso Sforza, P27kw, Myriam la grande, Sir Charrette, voilà des noms qui font froid dans le dos !

Caricature : Les Lescuriens sont alcooliques si bien qu’ils ont remplacé leur vin de messe par du calva.

Argument ad hominem : Mais bien sûr, laissons les comtes et ducs des Royaumes nommer les évêques. Ce ne peut être que bénéfique.

Argument ad personam : Mais mon frère Uter, songez à ce qui vous arriverez si vous votiez cette motion ! Non cumul de tous les mandats cléricaux ! Recteur d’un ORR, doyen d’un séminaire, théologue, évêque, secrétaire apostolique, vous êtes aussi procureur, n’est-il pas ? Il vous faudrait choisir ! Non, mon ami, non, votez contre la motion.

Argument a fortiori : Le bûcher n’est pas encore éteint. Si l’on en profitait pour aller chercher Sanctus ?

Alternative ou tiers exclu : Frère Roger : « Ah, puisqu’il faut qu’une tête tombe, alors que ce soit celle d’un vieil homme, la mienne. »

Argument de bon sens : La mitre est à l’évêque ce que la hallebarde est au garde pontifical : ça a de la gueule, mais ça leur sert rarement.

Argument a pari : Un Helvétique aristotélicien, c’est rare et ça se bichonne !

Opportunité : Cet imbécile de Lebergerblanc a été archevêque. Pourquoi pas moi qui suis pas plus bête que lui ?

Narration : Rome vous entend, Monseigneur Navigius, mais je crains qu’elle ne veuille pas accéder à votre demande de mettre le florentin en tant que langue officielle de Rome.

Argument de qualité : Si je dois vraiment aimer les faibles d’esprit, alors à plus forte raison je dois aimer ceux qui ont perdu l’esprit. Faisons vite que je devienne l’ami de Jandebohem.

Argument de quantité : Comprenez bien, Monseigneur Lapinus, que nous avons longuement et patiemment étudié votre candidature au poste d’évêque ; nous vous remercions d’ailleurs de nous l’avoir présentée dans les délais avec toutes les conditions requises, mais que celle-ci, malgré toute sa valeur qui témoigne sans aucun doute de votre compétence, ne saurait être une de celles qui pourra être soumise au vote de nos membres.

Sacrifice : Le Pape Eugène V, paix à son âme, a écrit dans une lettre posthume que les cardinaux doivent se trouver un surnom pour la postérité. Son Eminence Anguillerusée aurait choisi celui de « hutin ».

Urgence : Il aurait été pertinent d’évoquer la théorie de Père Jerem51, mais celle-ci étant bien trop compliquée et trop longue à expliquer, passons directement au commentaire suivant. A vous Simone !

Antiphrase : Jeandalf, à la fin de sa vie, était grabataire. Difficile de s’appuyer sur ses derniers ouvrages…

Allégorie/personnification : Au beau matin d’un mois de mars de cette année, Son Eminence Ubaldo a été nommé par Sa Sainteté Eugène V responsable du potager pontifical. « J’ai envers (à prononcer à voix haute) les légumes une grande passion depuis l’enfance. » nous précise-t-il. Il a, semble-t-il, toujours eu une relation spéciale avec la nature : « Petit garçon, je passais le clair de mon temps non pas à faire les quatre cents coups, mais aller aux champs chercher des champignons. Et quel pouvait être alors l’idole de ce garçon ? Cincinnatus, évidemment. Un leader pris au piège de la politique romaine. Quoi qu’il en soit, on comprend maintenant pourquoi notre Eglise est si bien gérée.

Anaphore : Monseigneur Poltau et Monseigneur Bigornéa semble entretenir des relations « profondes ».

Circonlocutions : Dame Zoélie a sans doute raison. La preuve, la moitié de Rome pense comme elle (quoi qu’il faille ajouter que les trois quarts des notables romains sont des di césarini).

Accumulation : Monseigneur Odoacre est grec jusqu’au bout des ongles, delà à dire qu’il est un inverti…

Euphémisme : Les Normands sont têtus. Les Normands sont mécréants. Les Normands sont cabochard. Mais ils ont le cœur sur la main.

Hyperbole : Tous les fidèles propres sur eux achètent leur savon chez la célèbre savonnière Laure et al.

Litote : Son Eminence Ingeburge est le plus beau bijou qui soit.

Réification : Qui dit franciscain dit faux jeton !

Argument ad ignorantiam: Son Eminence Rehael me disait justement l’autre jour qu’il détestait en secret Monseigneur Kad. Il m’assurait qu’il ne pouvait plus le supporter et se faisait violence pour ne pas laisser transparaître sa haine Qui l’eût cru ? On les croyait copains comme cochons.

Arguments inséparables : Monseigneur Arilan n’est pas très bavard.

Argument ad populum : Regardez ce pauvre cardinal ! Usé avant l’âge ! Père Aaron a tant de sujets d’inquiétude. Vous rendez-vous compte : camerlingue, archevêque, chancelier de la nonciature… Il travaille toute la journée, sans se reposer, se sacrifiant pour notre Eglise. Et ce, sans compter tous les soucis que peuvent engendrer son vicomté. Quelle triste vie !

Témoignage : Vous, Monseigneur Neocor, prétendu parangon de vertu, êtes-vous sûr de n’avoir jamais péché ?

Apodioxis : Monseigneur Hardouin : « Devant l’état de décrépitude, de corruption et surtout de débauche de la Ville, je propose de déplacer les institutions romaines en Avignon. Il paraît que les demoiselles d’Avignon sont toutes très moches, un des problèmes sera ainsi réglé.

Argument ab utilitate : Comment osez-vous critiquer l’Eglise ? Vous avez sombré dans l’hérésie, Baton-noir ! Coquefredouille !

6) Examen final :

Pour l’examen final, soyez prêt à prononcer un discours devant vos professeurs que vous aurez préalablement préparé et appris par cœur. Un discours qui devra suivre la tétra-division traditionnelle de tout bon discours. Vos arguments devront par ailleurs suivre l’ordre dit homérique - pour ceux qui connaissent pas (on les comprend), l’ordre homérique, c’est ça : arguments forts, puis faibles, puis forts.

Evitez le logogriphe et espérons que votre verbe se rapproche du divin !

Vos professeurs et un de vos collègues séminaristes vous poseront des questions et tenteront de vous déstabiliser.
Vous ferez d’ailleurs de même et assisterez au discours d’un de nos étudiants et tenterez de contrer ses arguments.


Quelques sujets s’offrent à vous :
Une proposition de votre part, acceptée ou non par le professeur OU
De l’importance d’une Eglise riche et de prélats pauvres OU
De l’importance d’une Eglise riche et de prélats riches OU
De l’importance de la splendeur des cathédrales OU
De l’importance du célibat pour les prêtres OU
De l’importance de la réforme sur le célibat des prêtres OU
De l’importance des rites OU
De l’importance de l’indépendance épiscopale vis-à-vis de Rome OU
De l’importance de la coutume au sein de l’Eglise OU
De l’importance du rouge pour les cardinaux et du violet pour les évêques OU
De l’oralité dans l’Eglise OU
De la connaissance.



Ecrit par Hardouin, frère lescurien
Thomas d'Azayes
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